Lors des premières rencontres du comité, le fondateur était impliqué. Puis, il a lâché prise et a laissé pleine place à sa fille Pascale. «Dans une rencontre, si la personne qui possède le pouvoir dit quelque chose, c’est plus difficile que sa progéniture dise qu’elle n’est pas d’accord», indique la spécialiste des RH.
Plusieurs bonnes suggestions ont été faites au fil des rencontres du comité, qui est toujours actif. Mme Fortin sent que le groupe a véritablement un impact positif pour l’entreprise.
Simplex location d’outils
Chantal Fortin s’y connait en termes de repreneuriat familial. Elle a accepté de nous parler de son bagage et de nous partager quelques éléments clés du succès d’un bon transfert. Membre du comité consultatif de MariePain depuis 2017, elle a également été présente lors du transfert de l’entreprise Simplex location d’outils, du paternel, André Véronneau, vers deux de ses enfants, Euclide et Célestine.
Elle a travaillé chez Simplex location d’outils pendant 14 ans. En plus d’être à la tête du département des ressources humaines, elle faisait partie du comité de direction. Durant ses quatre dernières années au sein de l’entreprise, elle a été témoin des bonnes pratiques d’accompagnent de la famille dans ce changement majeur.
Les propriétaires de cette entreprise centenaire ont toujours été de la famille et ont toujours été bien impliqués dans la gestion. De père en fils et fille, l’un des principes mis de l’avant était le lâcher-prise de celui qui cédait sa place, tout en demeurant en soutien pour la relève.
Le patron de Mme Fortin n’a d’ailleurs jamais insisté auprès de ses enfants pour qu’ils reprennent les rênes de la compagnie dans le but qu’elle demeure dans la famille. Pour lui, le plus important était que ses enfants se réalisent.
Après avoir estimé que ce n’était pas le chemin qu’ils emprunteraient, deux d’entre eux ont finalement développé de l’intérêt, jusqu’à en prendre la direction générale et la direction générale adjointe. Ils sont toujours à la tête de l’entreprise.
Dans le cas de Simplex location d’outils, le transfert s’est fait graduellement. Dans certains dossiers majeurs, le prédécesseur est demeuré impliqué plus longtemps, comme pour celui de la refonte de l’image de marque, tout en continuant de faire preuve de lâcher-prise.
Éléments de réussite
Chantal Fortin amène une nuance importante quant au rythme du transfert. Si l’aspect graduel a été bénéfique pour la famille Véronneau, cela ne veut pas dire qu’il est préférable pour tous. Cela peut varier selon le tempérament des gens concernés et selon l’historique de l’entreprise et de la famille. Certains ont besoin d’une structure et d’un échéancier plus précis, serré et rigide quant à la passation du pouvoir. D’autres, non.
Selon l’experte en RH, il peut aussi être très avantageux d’impliquer la relève à son rythme et selon ses intérêts, en commençant à petite échelle, sans nécessairement que les enfants aient, dès le départ, l’objectif de reprendre l’entreprise.
L’une des clés de la réussite dans un transfert est aussi d’avoir des gens qui soutiennent la relève, et ce, dans les divers secteurs de l’entreprise. Ces personnes utilisent leur expertise pour accompagner les repreneurs dans leur apprentissage.
Le respect mutuel entre les repreneurs et le relayeur est également essentiel dans toute transaction de repreneuriat. «C’est aussi de leur laisser prendre des décisions et de les accepter, même si celui qui quitte son entreprise n’aurait pas fait ça de la même façon.»
Finalement, utiliser des programmes et des formations spécialement conçus pour les entreprises familiales comme celles de Familles en affaires – HEC Montréal, peut s’avérer bénéfique pour la relève.
Éléments de vigilance
Le plus grand risque, dans un transfert d’entreprise, se situe sur le plan de la compétence de la relève, selon Mme Fortin. «Ce n’est pas donné à tout le monde d’être un homme ou une femme d’affaires.» Elle donne en exemple un sens du leadership, qui est nécessaire.
Il importe aussi, pour celui qui souhaite quitter, de se demander si la relève souhaite vraiment prendre le relais, ou encore si elle se sent forcée de le faire. En contrepartie, l’entrepreneur doit avoir l’humilité de reconnaitre qu’il est possible que la famille ne soit pas nécessairement la meilleure relève.
Le chef de famille doit également faire attention de ne pas couper les ailes de sa relève en lui imposant sa vision.
Lors d’un transfert d’entreprise entre membres de la famille, un comité consultatif peut aider un chef d’entreprise à voir plus loin que la relation parent-enfant. «Le comité consultatif aide à dépersonnaliser le transfert», illustre Chantal Fortin en soulignant que cela est possible grâce au regard externe qu’ont les membres.